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stories

Mathew Hegarty

Restaurant :

EIDRA

Ce que je préfère comme...

ustensile :

Un barbecue avec du feu de bois, j’adore les flammes !

ingrédient :

Le mizo, c’est tellement profond en goût, si complexe

mon menu idéal entre amis :

Pour plaire à tous les goûts et tous les régimes alimentaires, on fait des tapas, plein de petites choses avec des galettes, du pain, des tortillas faites maison pour goûter de tout et mélanger les saveurs

partenaires "des étoiles et des femmes" depuis :

2020

L'engagement d'un chef

« De notre côté nous essayons d’améliorer au mieux les conditions de travail des employés mais il faut aussi augmenter le tarif des menus. Tout le monde doit jouer le jeu : les fournisseurs, les patrons et les clients. J’espère que nous sommes repartis « sur un bon pas ».

Mathew, vous avez ouvert votre restaurant avec votre compagne depuis bientôt deux ans, pourquoi avoir fait le choix de collaborer avec « Des étoiles et des femmes ? » 

Cela fait 20 ans que je fais ce métier et je suis passé par cette étape. Celle de stagiaire, d’apprenti et je trouve cela normal d’honorer ce genre de partenariat pour les futures générations. Notre stagiaire « Des étoiles et des femmes », Sandra, fait cinq stages de trois semaines sur neuf mois. Elle vit à Arles et elle travaillait déjà en cuisine avant de passer son CAP. C’est évidemment plus simple de trouver un emploi avec un diplôme d’autant que c’est financé par pôle emploi. A 32 ans, elle a une certaine expérience, ce qui nous a permis de lui donner beaucoup de responsabilités à différents postes de cuisine notamment en pâtisserie, domaine qui l’intéresse. Elle est très autonome, elle apprend très vite, est très agréable donc en plus d’apporter son aide à la brigade, elle amène de la bonne humeur. Nous lui avons proposé un contrat, malheureusement, notre restaurant se situe à 40 minutes d’Arles et c’est loin pour elle. C’est vraiment dommage.

Dans la brigade idéalement moi et coline, 4 employés pour 25 couverts.

 

Toutes les femmes que j’ai interrogées m’ont dit que cette formation leur avait donné confiance en elle, partagez-vous ce sentiment ? 

Il y a une certaine reconnaissance dans ce métier. Reprendre des études, apprendre auprès de différents chef.f.e.s donne confiance. Nous avons une cuisine ouverte dans notre restaurant et dès que le client entre, il passe devant et voit l’équipe ce qui met en valeur le personnel. La plupart du temps, les cuisines sont cachées, au sous-sol ou derrière une porte. Nous n’avons pas de serveurs, c’est le cuisinier en personne qui apporte le plat et explique ce que nous avons préparé, ce qui donne une certaine reconnaissance et le client se sent impliqué. J’emmène régulièrement mes collaborateurs chez les fournisseurs, les producteurs pour qu’ils puissent commenter au mieux ce qu’ils cuisinent aux clients. Sandra par exemple, n’aime pas sortir de la cuisine car elle est très timide. Moi aussi je suis très timide et je n’aimais pas aller en salle mais c’est en faisant qu’ on apprend.

Nous sommes en circuit court, 100% local. En temps normal, nous sommes quatre derrière les fourneaux mais nous ne sommes que deux actuellement. Nous avons du mal à recruter des candidats.

« Au départ, je voulais être artiste. J’imaginais être tranquille dans mon bureau à faire des dessins 8h par jour sans être debout 90h par semaine, c’est pas exactement le même effet. »

À quoi cette difficulté à recruter est-elle liée ?

La Covid, mais on peut dire que c’est un métier qui a été abusif pendant de nombreuses années. J’ai 35 ans et je viens de l’ancienne école où brigade rime avec attitude très stricte et très dure des chefs. A l’époque ce métier n’était pas mis en valeur et c’était un luxe d’aller au restaurant. Aujourd’hui, c’est bien plus accessible car les prix ont baissé. Avant la Covid, nous pouvions trouver des jeunes qui travaillaient 90 heures par semaine dans une cuisine avec des conditions très difficiles. Pour ma part, je suis passionné et j’ai très vite compris que si je voulais travailler en cuisine, je ne devais pas compter mes heures, oublier les week-ends, les jours fériés… je savais ce que je voulais. La Covid est arrivée et tout le monde est resté à la maison pendant un an. J’ai célébré mon premier noël depuis mes 13 ans. Alors, les cuisiniers ont commencé à se poser des questions : est-ce que j’ai envie de faire autant de sacrifices ? Le souci est qu’en tant que restaurateur on ne peut pas augmenter les prix de beaucoup car les clients n’ont pas totalement intégré la difficulté de ce métier. Aussi, nous sommes en pleine campagne, il faut avoir une voiture et un logement sur place, on ne peut pas payer pour cela en plus du salaire.

 

Pourriez vous dire que votre restaurant est vecteur de valeurs ? 

Oui, nous sommes donc en circuit court, nous pensons au bien-être de la planète et nous tenons à connaître chacun de nos fournisseurs pour savoir d’où viennent les légumes et les viandes. L’année dernière, nous avions organisé des journées « pêche » avec mon équipe afin de sensibiliser au produit et le respecter. Un poisson ce n’est pas juste un poisson qu’on met dans la glace. Nous faisons aussi des balades dans les Alpilles pour chercher des plantes et des herbes sauvages. J’ai toujours eu comme philosophie l’importance de la transmission et de la formation.

« J’aimerais passer un message à certain.e.s chef.f.e.s partenaires de l’association. Faire partie de cette association ce n’est pas juste prendre une stagiaire, c’est faire partie d’un mouvement, participer aux évènements éphémères sur des marchés par exemple, échanger … J’appelle à plus participer aux réunions, on essaie de bouger les choses au maximum, se battre pour une cause. »

Que se passe-t-il au moment du fameux coup de feu ? 

Comme c’est une cuisine ouverte, c’est un mélange entre un match de rugby et une forme de théâtre. Il faut mettre en avant les attaquants, la défense, bien se situer, placer les choses et bien mettre son tablier, savoir parler de son plat … comme un acteur le ferait. Il faut rester bien calme car le client voit tout, il faut être organisé, fluide, propre et penser à ne pas déstabiliser la salle par ce qui se passe dans les coulisses. C’est un restaurant de 25 couverts où nous proposons un menu en 9 étapes qui tourne toujours autour d’un produit.

 

Vous voyagez beaucoup, pouvez-vous partager un souvenir gustatif ?

En effet, pendant 8 ans je travaillais en station de ski. Je travaillais pendant 9 mois en saison et pendant 3 mois je partais. Le dernier souvenir c’était au Japon. A Tokyo, je suis descendu au troisième sous-sol d’un immeuble pour manger sur un petit comptoir.  Le chef était devant moi et il préparait un menu en 3 étapes autour du bœuf wagyu, il parlait mais je ne comprenais rien. C’était une explosion de saveurs, sans chichis.

À chaque retour de voyage avec ma compagne, nous proposons une assiette basée sur nos expériences et découvertes. Ici nous ne faisons pas de cuisine provençale traditionnelle, nous mélangeons les saveurs où tout est fait sur place (le levain, le pain, le beurre, les produits fermentés, la sauce soja …). Nous changeons de carte tous les mois en fonction des saisons et aussi pour ne pas tomber dans l’ennui !

 

Quel conseil donneriez-vous à une future diplômée « Des étoiles et des femmes ? » 

C’est une bonne question car actuellement il est difficile de motiver du monde dans ce métier. Même si le client ne s’en rend pas toujours compte, c’est grâce à nous qu’il passe un moment unique. Pas tous les clients disent merci ou réalisent tout le travail derrière mais il faut tenir bon, rester en éveil , attiser sa curiosité , chercher plus loin, acheter des livres, expérimenter, voyager. Cela prend du temps mais il y a beaucoup de belles choses qui arrivent avec ce métier.

 

interviewé par : Kenza Berrada