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Rencontre avec :
Sylvie Latorre

CAP cuisine obtenu En 2018 à Montpellier

Chef gastronomique tuteur :

Son plat préféré :

La Blanquette de Veau

Poste actuel :

Seconde de cuisine chez Arts et Saveurs à Montpellier

Sylvie, avant de passer le CAP, tu es passée par différents métiers, peux-tu nous en parler ?

Après le baccalauréat, j’ai passé un Cap d’employée de bureau alors que je détestais les bureaux, au fond je voulais être coiffeuse mais mes parents n’étaient pas d’accord. Puis, j’ai fait de la préparation de commandes dans des entreprises avant d’être peintre en bâtiment. Je suis arrivée là au culot, j’étais au chômage suite à un licenciement et j’ai demandé à pôle emploi de m’orienter vers un stage d’insertion, la boîte dans laquelle j’étais à fini par m’embaucher et j’ai tout appris sur le tas. Je faisais de la peinture et du carrelage en tant que cheffe d’équipe.

On était dans l’Isère avec mon mari à l’époque. Puis, il y a 4 ans, on a déménagé à Montpellier et en arrivant ici je devais trouver un travail. On me répondait toujours que j’étais trop vieille quand je me présentais à des postes. J’ai alors souhaité faire des stages en cuisine parce que j’adorais ça. Les chefs qui m’ont encadré m’ont encouragé à continuer. J’ai donc commencé une formation au GRETA et « des étoiles et des femmes » m’a contacté pour m’annoncer que j’avais été prise aussi. Au GRETA la majorité des gens avaient la vingtaine et dès le début, on m’appelait « mamie », je n’étais pas là pour être une mamie mais une élève comme une autre. J’ai préféré rejoindre « des étoiles et des femmes » avec des femmes de 30 à 59 ans, c’était plus facile pour moi de ne pas être qu’avec des jeunes.

« Comment je n’ai pas pensé avant à être cuisinière, j’ai attendu d’avoir 58 ans pour passer mon CAP, c’est dingue quand même ! »

Où travailles-tu aujourd’hui ?

 

Je suis chez Arts et saveurs où j’ai commencé comme commis et depuis décembre 2019, je suis seconde. C’est un traiteur qui fournit entre 200 et 300 repas dans la région sans compter les mariages, les cocktails … Depuis le confinement on s’est reconverti en une boutique en ligne Terroir nomade où on fait plus de la charcuterie qu’autre chose. J’ai encouragé mon chef à ne pas fermer et à tester des recettes pendant des mois pour trouver les bonnes formules de pâtés, de gratins … en janvier 2023 je serai à la retraite et c’est vrai que j’aurais préféré continuer à faire du beau mais si ça me permet de travailler, je le fais ! D’ailleurs même après la retraite, j’aimerais venir en extra dès que possible, le vide me fait peur.

En plus, je reçois des compliments de la part de mon chef parce que je cuisine chez moi le week-end et je leur apporte des choses le lundi pour goûter. La dernière fois, c’était un donut au citron avec une rillette de sardines aux pommes et il a tellement aimé qu’il l’a mis sur la carte.

 

Comment t’es venue cette passion pour la colloc ?

J’ai commencé à cuisiner à 14 ans avec ma mère, j’étais en charge des repas du week-end. Puis je me suis mariée à 21 ans et j’étais toujours aux fourneaux pour mes deux garçons avec des produits frais. Quand j’ai intégré Des Étoiles et des Femmes, mon entourage était fier que je me forme; mon mari me disait « tu t’occupes de tes devoirs, moi je m’occupe du reste à la maison », mes fils me poussaient à ne pas lâcher malgré les difficultés, mes petites filles me demandaient mes notes … Je leur ai transmis cette passion, elles m’appellent « cheffe » et on cuisine très régulièrement ensemble! Je leur ai même fait un livre de recettes et pendant le confinement on faisait comme Cyril Lygnac, de la cuisine en visio !

 

Quels souvenirs gardes-tu « des étoiles et des femmes » ?

C’était très difficile pour moi de revenir à l’école, j’avais l’impression de ne rien retenir. J’ai fabriqué un jeu de l’oie spécial cuisine, que j’ai peint case par case avec 250 questions/réponses et les après-midis on se mettait par équipe entre collègues et on révisait comme ça. Geneviève, notre formatrice était bien plus que notre professeure. Elle passait voir si tout se passait bien dans les restaurants où on faisait des stages, on faisait souvent des tours de table avec les filles et, en cas de problème, elle allait en parler directement avec les chefs. J’étais au Volodia, et le chef a été ouvrir son établissement à Paris, il m’a demandé de le suivre mais ma vie est à Montpellier…

Quand la troisième promotion « des étoiles et des femmes » a démarré, j’ai été voir les femmes pour les encourager je suis restée toute une matinée pour leur parler de mon expérience. Je leur ai dit qu’on pleurait mais qu’on riait beaucoup aussi, qu’il fallait se soutenir même si parfois on a l’impression d’être en maternelle mais quoiqu’il arriver il faut rester soudées.  J’ai été cuisiner avec elles; elles me demandaient des conseils et c’était drôle parce-qu’ il n’y a pas si longtemps j’étais à leur place.

L’année dernière, on a eu un apprenti en cuisine, il me posait des questions, bien sûr ça déconcentre et on n’a pas tout le temps envie de sourire mais je veux transmettre ce que j’ai appris grâce à « des étoiles et des femmes » : la patience, la pédagogie, prendre le temps, le respect du travail de l’autre.

Interview par Kenza Berrada C