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Rencontre avec :
Olena Lebedynska

CAP cuisine obtenu en 2019 à Nice

Son plat préféré :

La Ratatouille

Poste actuel :

Service traiteur du CHU de Nice

Olena, tu m’as très vite parlé des violences conjugales que tu as subi de la part de ton mari, peux-tu nous parler de ton parcours ?

J’ai suivi mon mari en France car il a eu une proposition de travail très intéressante et moi, j’ai abandonné ma carrière en Ukraine pour lui. J’ai un bac plus 7, professeure de langue ukrainienne et littérature. Nous étions d’abord à Antibes avec de venir à Nice. J’étais complètement isolée car je ne parlais pas un mot de français, je n’ai appris qu’après 10 ans de vie ici. J’étais femme au foyer avec 3 enfants – ils ont 9,7 et 5 ans aujourd’hui- et j’étais victime de violences physiques et psychologiques très graves. Mon mari a commencé à être violent quand j’ai demandé le divorce. J’étais totalement dépendante de lui financièrement et administrativement, je ne savais même pas comment avoir un contrat EDF et il était sûr que je ne le quitterais pas pour cette raison. Malheureusement j’ai perdu la garde de mes enfants mais je me bats pour eux, pour ma vie. Je suis en France depuis 12 ans et j’ai eu beaucoup de mal à trouver un emploi durant tout ce temps. Je parle russe, anglais, italien mais c’était impossible de me faire embaucher, j’ai envoyé des dizaines de CV avec toujours la même réponse « merci mais votre candidature ne nous convient pas ». Mon mari se sentait très fort pour cette raison, il pensait qu’il allait m’écraser mais il s’est trompé.

« Je veux raconter cette histoire pour que ça puisse servir à d’autres femmes, c’est très important. La justice ça coute de l’argent. Je suis partie de chez moi avec un sac à dos, j’ai quitté la maison à cause des violences conjugales, j’ai porté plainte, j’ai donné toutes les preuves mais comme je n’avais pas l’argent pour payer l’avocat, mon mari a dit que j’étais folle. »

Comment as-tu trouvé la force de t’inscrire au CAP cuisine ?

J’étais sans espoir, sans mes enfants, sans travail … En juillet, pôle emploi m’a envoyé un mail avec la formation pour apprendre à être cuisinier. Je n’oublierais jamais ce moment car complètement par hasard, ça faisait plusieurs jours que des amis me disaient qu’il fallait absolument que j’ouvre mon restaurant tellement ils trouvaient bons mes plats. Ils me disaient « comment tu arrives à faire des plats incroyables avec des ingrédients simples ». J’avais toujours beaucoup de compliments mais je me disais que j’étais pas plus douée que ça.

Cuisiner c’est un partage, c’est une façon de dire « je t’aime », c’est une partie très importante dans ma vie. Alors quand on m’a proposé le CAP, je n’arrivais plus à dormir, je me disais c’est un signe et même s’il y avait 72 candidates pour 12 places, je savais que j’allais être prise. Au début, c’était difficile car je ne comprenais pas tout ce qu’on me demandait, certaines femmes n’étaient jamais contentes, elles venaient à la formation avec leurs problèmes personnels et pendant les 3 premiers mois je me sentais toujours très fatiguée, écrasée, ensuite ça s’est arrangé. J’étais une étudiante très sage et je posais tout le temps des questions.

J’ai fait mon stage au restaurant « Les Sens » à Nice, le chef aimait son travail, il cuisinait avec ses émotions, l’équipe était adorable avec moi, à la fin de la journée j’étais satisfaite et en plus je faisais du bien aux gens en apportant du bonheur.

« J’étais énormément heureuse d’avoir cette place. Mon projet c’était d’abord apprendre mon métier et avoir confiance en moi. C’était quelque-chose à moi, j’allais commencer une nouvelle page dans ma vie. »

D’où te vient l’amour de la cuisine ?

Ma mère cuisinait très bien et quand je suis devenue maman la cuisine est devenue encore plus importante car ce que tu manges c’est ta santé. Mon amour de la cuisine vient de l’Ukraine, dans notre éducation à l’époque, tu étais obligée de bien cuisiner, comme tu as deux mains deux jambes c’est obligatoire quand tu es une femme. J’adore la cuisine française car c’est fameux dans le monde et c’est une tradition depuis des siècles. Je dessine très bien et la cuisine c’est la même chose, tu peux créer un chef d’œuvre, un tableau avec des couleurs … à partir de légumes !

Interview par Kenza Berrada