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Rencontre avec :
Majeda Alibrahim

CAP cuisine obtenu En 2015 à Marseille

Son plat préféré :

Souris d’agneau version syrienne

Poste actuel :

Propriétaire et cheffe du restaurant Ashourya à Marseille

Majda, nous sommes en plein cœur de Marseille, dans ton restaurant de cuisine syrienne : Ashourya, peux-tu nous parler de cette aventure ?

Je suis arrivée à Marseille en 2013, en venant de Raqqa en Syrie. Avec mon mari et mes trois fils, nous sommes venus directement à Marseille, cette ville nous rappelle chez nous. Ingénieure en agronomie, j’ai d’abord cherché du travail dans mon domaine mais je n’ai rien trouvé.

Ma mère m’a tout appris en cuisine. A l’âge de 9 ans je préparais des desserts pour mes petites sœurs et à 13 ans je savais faire toutes les recettes syriennes. J’ai transmis cette passion et mes secrets de fabrication à mes enfants, Mohamed, Feras et Magd.

Déjà en Syrie, j’avais comme rêve d’ouvrir un restaurant mais ce n’était pas facile alors j’ai saisi l’opportunité en France. En 2015, j’ai passé mon CAP cuisine avec des « Étoiles et des femmes » et j’ai ouvert Ashourya en 2017. Entre-temps, mes fils – eux aussi ingénieurs – se sont formés au service, aux contraintes administratives, à la communication dans d’autres établissements. Ils ont eux-mêmes entièrement rénové le fonds de commerce qui était dans un très mauvais état. Nous voulions créer une atmosphère 100% syrienne de la cuisine à la décoration.  Au démarrage, le plus difficile fut de trouver des sous ! Nous nous sommes battus; nous avons commencé avec peu de machine et petit à petit nous nous sommes équipés de façon plus importante.

L’ouverture d’Ashourya a suscité un vif engouement de la presse ! On a rapidement eu une clientèle fidèle du quartier. Des étrangers de passage, américains, italiens, allemands viennent également désormais… nous pouvons aller jusque 100 couverts par service, surtout au brunch.

Avec le confinement, ça s’est beaucoup calmé; heureusement que nous proposons la vente à emporter et la livraison.

Tu fais partie de la première promotion des « Étoiles et des femmes », comment s’est passée ta formation ?

Un jour, j’ai reçu une lettre de Pôle emploi qui disait que l’association proposait d’accompagner des femmes pour le CAP cuisine. À l’époque j’avais 52 ans mais je me suis dit que ça valait vraiment le coup de tenter ma chance et j’avais envie d’apprendre la gastronomie française, alors j’ai postulé et j’ai été prise ! J’avais déjà bien mûri mon envie d’ouvrir mon propre lieu donc ça été une motivation supplémentaire.

Au début, c’était vraiment difficile, reprendre les études, le réveil à 6h du matin, rester debout plus de 8h d’affilée … il m’est arrivé de pleurer. Mon entourage me soutenait mais ne réalisait peut-être pas la souffrance que j’ai pu éprouver au démarrage, parfois en cuisine, on me parlait comme à une petite fille et c’est vrai que j’ai eu du mal à l’accepter. Mais ensuite, j’ai pris mes marques et j’ai su m’imposer.

J’ai fait mon stage à Aix-en-Provence à La Table du Roi René, là je suis passée par tous les postes, le garde-manger, la rôtisserie, les soupes, les sauces, la pâtisserie et il fallait que tout soit impeccable. Grâce à cette expérience, aujourd’hui, je peux dire que pour être une bonne cheffe il faut être stricte et éduquer son palais.

« Une cliente, m’a dit, en regardant toutes les communautés qui étaient réunis aux tables de mon restaurant : « c’est ça Marseille ! » »

Peux-tu nous raconter un moment fort qui t’a marqué pendant ton CAP ?

Lors de mon entretien de sélection, on m’a posé la question : « comment allez-vous allez supporter « le coup de feu », le stress … ? vous êtes la plus âgée du groupe …  ». J’ai répondu : « j’ai passé les frontières sous les vrais coups de feu avec une armée de chaque côté, comment je ne supporterais pas le coup de feu en cuisine ? Je peux supporter tout ce qui peut arriver. » Je pense que ma réponse les a convaincus, n’est-ce pas ?

Pour moi, le « coup de feu » au restaurant, je le gère avec tranquillité, toujours.

 

As-tu des projets pour le futur ?

Oui ! On doit ouvrir Ashourya 2 sur le Cours Julien avec trois fois plus de place à l’intérieur et en terrasse mais le Covid et le confinement retardent l’inauguration.

Restaurant Ashourya, 3 boulevard National 13001 Marseille